Un livre qui trotte encore dans ma tête… Turtles all the way down, par John Green

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Turtles all the way down, John Green, éditions Dutton, 2017


Il y a, c’est certain, des problèmes de représentation dans la littérature en général, mais ces problèmes prennent une dimension toute particulière quand il s’agit de littérature jeunesse/adolescente.

Il y a dans cette littérature, une dimension pédagogique, dans le sens où le lectorat visé est en période de construction de soi, de son identité. C’est une période de questionnements, et donc de quête de réponses. Tout ce qui entoure un adolescent va influencer sa manière de pensée. Ainsi, lire à propos de protagonistes aux mêmes caractéristiques physiques créent des normes au sein de l’esprit. Si tant bien est que ces caractéristiques ne correspondent pas au lecteur, et bien souvent, à la vraie vie, l’identification, qui est un vrai besoin à cet âge de la vie, devient très difficile.

En lisant Turtles all the way down, j’ai senti, comme rarement, que j’étais comprise. 

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“Everyone wanted me to feed them that story—darkness to light, weakness to strength, broken to whole. I wanted it, too.” 

C’est ce que je retiens de cette lecture. Oui, John Green écrit très bien, il n’a plus rien à prouver dans la qualité de son style, de ses métaphores, de ses techniques de narration. Ce roman est l’accomplissement de son schéma habituel : En un sens, il reste dans son schéma favori. La vie d’un/une ado, qui évolue dans un environnement relativement normal, dans la moyenne, qui va se retrouver bouleversé.e par ses relations sociales. Toutefois, cette fois-ci : Il parle d’un sujet qu’il connaît. Il parle d’anxiété. De crises d’angoisses. Il parle de pensées obsédantes, qu’on a quelque part dans notre tête, sans qu’on ne puisse rien y faire. Il parle de cette fatigue, aussi bien physique que psychologique, de ces efforts que l’on veut entreprendre pour aller mieux mais qui nous terrorisent. Il parle de nos échecs. Il parle de la dépression, de façon vraie, de façon si juste, c’était comme si l’auteur avait écrit sur chaque page, à l’encre invisible « eh oui, tu n’es pas toute seule. » Et qu’est-ce-que ça fait du bien. C’est en ça que je parle d’accomplissement : j’ai eu le sentiment que dans ce roman, John Green nous a livré une partie de lui-même qu’on ne connaissait pas, par des moyens que l’on connaît. Et, en ça, ce roman ne ressemble à aucun autre.

“I wanted to tell her that I was getting better, because that was supposed to be the narrative of illness: It was a hurdle you jumped over, or a battle you won. Illness is a story told in the past tense.”

Qu’est-ce-que c’est bon de lire à propos de personnages qui pourraient, et font souvent, partis de notre quotidien. Qu’est-ce-que c’est c’est apaisant de mettre des mots sur tout ce qu’on peut ressentir, chaque jour. Qu’est ce que ce message d’espoir et de lumière était beau.

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Et je ne peux pas m’empêcher de penser à l’effet bénéfique cette lecture, et toutes celles qui oseront prendre ce genre de risques, sortir des sentiers battus, peut avoir sur un jeune lecteur. Combien il peut les pousser à s’interroger, à se dire qu’ils méritent de lire mieux que des personnages lisses, définis par leur physique souvent très attrayant selon des normes, qui ne sont rien d’autres que des barrières, et définis par leur love interests. Qu’est ce que je suis contente que dans ce livre, l’auteur décrive des portraits très différents d’adolescents, mais aussi d’adultes, qui parfois, ne peuvent collaborer ensemble, et qui parfois, le peuvent. Qui parfois ont du mal à accomplir la plus petite des tâches, mais qui parfois parviennent à soulever des montagnes comme si c’était une évidence.

Je suis ravie d’avoir lu des personnages féminins qui savent douter, qui savent réfléchir par elles-mêmes et se remettre en question pour avancer, aller plus loin, se dépasser, mais qui savent aussi s’affirmer et prendre leurs propres décisions. J’ai adoré assister à ce genre de représentation. J’ai adoré aimer lire les péripéties de ces personnages, que j’avais l’impression de connaître comme si je les avais rencontrés.

C’est comme ça qu’il trotte dans ma tête.

Il trône dans ma bibliothèque, comme un ami encourageant. Comme une bulle dans laquelle je pourrais retourner en cas de déprime. C’est un livre qui fait un bien fou malgré la difficulté et la dureté des thèmes qu’il aborde. C’est un livre qui apaise. C’est un livre qui rassure. C’est un livre qui permet de se réconcilier avec certaines facettes de notre personnalité.

C’est un livre dont je remercie John Green pour l’avoir écrit.

J’espère de tout mon cœur que vous lui donnerez sa chance.

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