Petits recueils & grande délivrance

A tous ceux qui pensent ne pas aimer la poésie, dont je faisais partie juste avant mars de cette année, je me plais à répondre maintenant, un peu à la Dead Poets Society, qu’ils n’ont pas encore trouver leur poésie. Celle qui les touchera, qui leur parlera, qui les délivrera de tout le poids qu’ils peuvent avoir à porter, rien qu’en mettant des mots sur ce qu’ils ressentent, rien qu’en imageant leurs pensées quotidiennes.

Cette année, j’ai découvert deux recueils, qui ont leur petite notoriété dans les pays anglo-saxons, et qui peu à peu font leur chemin jusqu’à nous. Je les ai lu il y a des mois, mais si je choisis d’en parler aujourd’hui, c’est parce qu’encore, des mois plus tard, ils font écho en moi. Dans mes moments de doute, de manque de confiance en moi, de manque d’inspiration, quand je sens que je vacille, que je perds pied, que j’ai l’impression de perdre la tête, que je me sens seule, incomprise – ils sont ce qui me ramène à terre. Ils sont ce qui me raisonne. Ils sont ce qui me rappellent tout ce que j’ai peur d’oublier. Et la littérature féminine a tellement besoin de ça. 

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Milk and honey, Rupi Kaur, Andrews McMeel Publishing, 2015

Fun fact : J’ai lu ce livre pendant un moment de déprime ultime. Isolée dans ma chambre et dérobée au monde cachée sous trois plaids. Et ce livre m’a fait un effet bittersweet.

« You were a dragon long before he came around and said you could fly, you will remain a dragon long after he’s left. »

Il aborde des thèmes très durs, parfois de manière très froide, crue. On y parle de violence physique, de violence morale, des ses ravages, et en ça cette lecture a un effet coup de poing. Pourtant, cette froideur fait peu à peu place à une première lueur au loin, puis à une chaleur qui nous envahit au fur et à mesurethe hurting, the loving, the breaking, the healing, c’est comme ça que l’auteure a décidé de séparer les parties de son recueil, et elle ne pouvait pas faire plus juste. Au-delà de la délivrance basique qui est de ne plus sentir de douleur, ce recueil, par la force de ses mots et du message qu’ils contiennent, parvient à vous faire prendre conscience de ce que votre corps, ce que votre esprit a pu endurer, et de comment il s’en est remis, et vous fait mesurer la grandeur de ce que pouvez accomplir si vous êtes déjà parvenus à vous en remettre, même si vous guérissez encore. L’auteure a appris à prendre le pouvoir sur ses décisions, sur sa vie, sur ses choix, elle croit en sa force, et croit en la votre – et toute cette foi, elle vous pousse à y croire vous aussi. 

517bf26ijpl The princess saves herself in this one, Amanda Lovelace, Andrews McMeel Publishing, 2017. J’ai une affection toute particulière pour ce premier recueil, car il m’a donné, au fil, et au terme de ma lecture, une puissante sensation d’emporwement. C’est en revisitant sa propre vie, sa propre histoire, que l’auteure a réussi à parcourir la mienne, et la vôtre, j’en suis convaincue. C’est en savourant comment, dans tous ses moments d’épreuve, qu’elle parvient à nous insuffler un peu de sa force, nous pousser à aller à la rencontre de la notre – en particulier en tant que femme. Dans ce recueil, on aborde les thèmes de la représentation féminine, celui du choix, de comment on aimerait nous cantonner à des schémas classiques de princesse à sauver – et Lovelace fait fit de ces clichés. La princesse se sauve elle-même dans cette histoire. 

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« once upon a time, the princess rose from the ashes her dragon lovers made of her & crowned herself the motherfucking queen of herself. -how’s that for a happily ever after? »

 

 J’ai énormément d’admiration pour ces deux recueils, car ils prennent le parti de se mettre exclusivement du point de vue de la femme – de ce que la femme subit, et subira durant sa vie sous le simple prétexte qu’elle est une femme. Ce point de vue là a pour conséquence que ces deux femmes savent, chacune dans leur style, trouver, donner les mots qui parleront à chacune. Qui les poussera à outrepasser les limites qui leur seront imposées. Elles prennent également à cœur leur statut d’écrivain et donc la place qu’elles attribuent à l’écriture et à la lecture de fiction – forcément, en tant que passionnée, ça n’a pu que me conquérir.  En tant que lectrice, j’ai par ces recueils découvert des tas d’autres qui traitent du féminisme avec autant de beauté et de justesse. En tant que personne – en tant que femme … Je me suis sentie prête à conquérir le monde. 

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J’espère qu’ils vous convaincront de partir conquérir le vôtre. 

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